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La face cachée du lac de Guerlédan en Bretagne

Mélanie BÉCOGNÉE
Publié le 27/01/2015

En mars, EDF ouvrira les vannes du lac de Guerlédan, entre Morbihan et Côtes-d’Armor. Il se videra lentement jusqu’à fin avril, livrant aux visiteurs ruines englouties, vasières… Un spectacle hors du commun. En 1985, lors d’un précédent assec, le Costarmoricain Jean-Luc Chevé avait pris plus de 200 photos en vue de la réalisation d’un docu-fiction. En voici une sélection, qui vous laisse imaginer ce que vous découvrirez au printemps.

Ni lingots, ni diamants à l’horizon. Mais que peut-il bien y avoir dans cette petite boite ? Jean-Luc Chevé semble détenir un trésor entre ses mains. À y regarder de plus près, ce ne sont que des diapositives. Mais pas n’importe lesquelles pour ce Costarmoricain d’Hémonstoir. Il a retrouvé plus de 200 clichés. Ceux pris lors du dernier assec du lac de Guerlédan à Mûr-de-Bretagne. C’était en 1985.

Le Costarmoricain Jean-Luc Chevé a retrouvé un véritable trésor photographique dans ses archives. (Photo : Ouest-France)

À l’époque, le bonhomme a déjà de la suite dans les idées. « Un copain m’a montré des diapos de l’assec du lac de 1975. J’ai vu tout de suite que j’aurais pu faire quelque chose. » Cette rencontre tombe à pic. C’est le déclic. Un nouvel assec se prépare. Jean-Luc Chevé, jeune réalisateur, dispose alors de quelques mois pour réunir des fonds et préparer son docu-fiction. L’histoire de Chim et Chinaow, deux vagabonds en route vers le village de Chim, englouti lors de la construction d’un barrage hydraulique.

Un bateau coulé dans l’anse de Landroannec. Ce bateau langoustier acheté à Saint-Gilles-Croix-de-Vie servait à la surveillance du barrage. Durant l’invasion allemande de 1939, il fut réquisitionné. La RAF l’a coulé. (Photo : Jean-Luc Chevé)

« J’ai trouvé un producteur qui m’a lâché deux mois avant le début du tournage. Alors, j’ai lancé des souscriptions. » Ce crowfunding version années 1980 marche du tonnerre. Le bonhomme collecte 90 000 francs de l’époque. Près de 15 000 € grâce à 190 personnes. « Les gens me faisaient confiance. Ils avaient vu mon premier film qui avait bien tourné. »

Pas question de se lancer la fleur au fusil. Trois semaines avant le début du tournage de Chim et Chinaow vagabonds, Jean-Luc Chevé part en repérages. Il mitraille la vallée de Guerlédan de clichés, « pour mieux visualiser les lieux ». Après neuf jours de tournage et un mois et demi de montage, le film voit le jour. Il a son petit succès. Quelques projections et, cerise sur le gâteau, le Prix de l’image au Festival de Douarnenez en 1986.

Le bord du canal entre Caurel et Beau Rivage. Il faut éviter d’y mettre les pieds… Une dame y a laissé ses bottes dans la vase. (Photo : Jean-Luc Chevé)

Ses diapos ? Ce n’est alors qu’un outil de travail comme un autre qui « termine dans un coinJe les ai ressorties trois ou quatre ans après, pour faire des panneaux de promotion du film lors de projections à Bonrepos ». Et depuis, c’est resté « dans une malle pendant près de 20 ans ».

Actualité oblige, Jean-Luc Chevé est parti à la recherche de son trésor oublié. « Je pensais retrouver un boîtier 36 poses, mais je n’en imaginais pas autant. » Pas vraiment convaincu par sa trouvaille, le réalisateur file chez un photographe pour les faire scanner. Il redécouvre alors ses images. « J’ai crié de joie. J’ai jubilé. J’ai même eu quelques surprises avec certaines. Je ne me rappelais pas du tout les avoir prises. Oui, c’était très émouvant… »

Une borne kilométrique. Elles jalonnaient le parcours du canal de Nantes à Brest. (Photo : Jean-Luc Chevé)

Et d’autant plus laborieux. « Depuis octobre dernier, je fais l’inventaire. » Car il a bien fallu les sélectionner. Plus d’une centaine de diapositives ont retenu son attention. « Je dois maintenant en garder une cinquantaine. » L’objectif ? Monter une exposition en parallèle des nouvelles projections de Chim et Chinaow vagabonds« J’ai déjà un cinéma intéressé. C’est une seconde vie pour mon court-métrage. » Mais également une seconde vie pour toutes ces photographies. « Elles vont pouvoir servir à des chercheurs pour comparer, observer » Lui a déjà pas mal d’idées derrière la tête. « Mon prochain projet ? Bien sûr qu’il concerne l’assec du lac de Guerlédan. »

Beau Rivage, sur la commune de Caurel, en août 1985. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Carrière à trois trous et murets arrondis. Cette vallée était dénommée « La vallée heureuse ». Sur les parois abruptes ont été creusées de nombreuses galeries pour extraire l’ardoise. Ici, une carrière familiale à trois trous. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Côté Morbihan, prise de vue au-dessus d’une carrière d’ardoises. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Un petit coin lunaire. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Proche du barrage, le long de la haute paroi rocheuse, un fossé rempli de vase. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Deux enfants se promènent au niveau de l’écluse Trégnanton et sa maison éclusière. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Écluse de Kastell Finance, face à la base nautique. C’est la deuxième des dix-sept écluses englouties dans ce lac, long de 12 km, (sans compter la longue anse de Landroannec). La première écluse a servi lors de la construction de la base du barrage. Cette zone claire, c’est la plage qui se situe face au barrage, caché derrière la courbe du lit du Blavet. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Pompe à eau actionnée au gaz. Ceinturée par un bâti, cette pompe devait être utilisée pour évacuer l’eau des galeries de la mine. Elle fonctionnait au gaz pauvre. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Cette maison est à la jonction du Blavet et du canal. Ce doit donc être la maison du carrier. Elle est située sous le piton rocheux. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Port Tanguy, maison du carrier. La maison a été construite sur un endroit d’extraction d’ardoises. Ceci se remarque aisément à la couleur de la pierre. Cette extraction a sans doute débuté lors du creusement du canal. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Port Tanguy-Vallon, face au canal. Les anses du lac laissent apparaître des paysages sublimes. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Le lit du Blavet est hors canal. Le Blavet a gardé son lit sur quelques centaines de mètres. Au fond, les maisons et le canal. La couleur de l’eau et de l’herbe y est particulière. Des stries lézardent la vase. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Un des acteurs de « Chim et Chinaow », le court-métrage réalisé par Jean-Luc Chevé lors de l’assec du lac de Guerlédan, marche devant la longère. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Pignon d’une maison et ses graffitis. Au-dessus du mot Laut, on remarque des graffitis réalisés lors de l’assèchement de 1975. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Des châtaigniers émergent de l’eau. Au fond, à gauche des maisons sans doute accolées et au centre, une autre maison. (Photo : Jean-Luc Chevé)
(Photo : Jean-Luc Chevé)
L’herbe a repoussé sur la vase séchée. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Vase finement craquelée et photographiée en contre-jour indirect. (Photo : Jean-Luc Chevé)
Beau Rivage, sur la commune de Caurel, en août 1985. (Photo : Jean-Luc Chevé)

Circuler, visiter, descendre au fond…

La vidange du lac se déroule de mars à novembre. Une dizaine de parkings sont prévus. Trois accès permettront d’accéder aux hauteurs du lac. Quatre autres de descendre au fond. Seules des visites encadrées et payantes (2 €) seront autorisés au fond du lac, en raison des risques : trous, envasement… Trois offices de tourisme proposeront des visites guidées : celui de Centre-Bretagne (02 96 28 25 17), celui de Pontivy Communauté (02 97 25 04 10) et Kreizh Breizh (02 96 29 02 72). Visites guidées dans le fond du lac à partir des quatre sites d’accès, côté Morbihan ou côté Côtes-D’armor : Trégnanton (Saint-Gelven), Beau Rivage (Caurel), rond-point du lac (Mûr-de-Bretagne) et l’anse de Sordan (Saint-Aignan), entre mai et septembre 2015.

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